XuP-Med et équipe du CETRES, CHU de Nantes
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Cas du CHU de Nantes : La robotique mobile autonome au service de la logistique hospitalière

      L’Association Française pour la Logistique définit la logistique Hospitalière de la façon suivante : « La gestion des flux de patients, produits, matières, des services et informations qui s’y rapportent, pour assurer la qualité et la sécurité à un niveau défini de performance et d’efficience, depuis le fournisseur jusqu’au patient et, selon le cas, au destinataire final ». En effet, les hôpitaux surpassent de plus en plus la vision économique de la logistique en s’orientant vers l’implémentation d’approches durables prenant en considération l’environnement, l’éthique et la qualité de vie au travail.

A travers cette interview de Tony Perlemoine, Responsable projets logistiques du CHU de Nantes, découvrez son retour d’expérience sur l’utilisation de robots mobiles autonomes au CHU.

M. Perlemoine a pour mission principale les flux du nouvel hôpital qui devrait voir le jour en 2026. Pour cela, il doit faire face à de nombreux défis :

  • La gestion des flux entre la base arrière logistique et le futur hôpital qui sera distant de 2 km.
  • Repenser l’organisation de la plateforme logistique afin de répondre aux enjeux du nouvel hôpital.

En effet le projet du nouvel hôpital de l’île de Nantes repose sur une conviction forte : le nouvel hôpital doit-être pensé pour offrir les meilleures conditions de prise en charge au patient et pour améliorer les conditions de travail du personnel.

Depuis combien de temps utilisez-vous les robots mobiles autonomes ?

T.P. : « Cela fait déjà 7 ans que nous avons mis en place des robots mobiles autonomes. Nous étions le premier hôpital en France (avec le CH de Beauvais qui n’a pas reconduit l’expérience après l’arrêt des robots Vecna) à mettre en service cette technologie.»

Pourquoi avez-vous décidé de mettre en place des robots mobiles autonomes au sein de votre hôpital ?

T.P. : « Le Centre de Désinfection des Endoscopes Souples (CETRES) a été créé afin de centraliser la désinfection des endoscopes. En effet, l’un des enjeux de la centralisation était de professionnaliser la prise en charge des endoscopes puisque le risque encouru est la contamination microbiologique des canaux, qui survient en général dès lors qu’un endoscope a été utilisé et que le délai d’attente entre l’utilisation et la prise en charge par les désinfectants est long.

L’inconvénient de cette centralisation résultait du fait que le CETRES se retrouvait ainsi éloigné des unités de soins. Afin de pallier cette problématique nous avons tout d’abord mis en place un système de coursier, avec des livraisons à des horaires fixes, mais nous étions limités en raison de sa non-flexibilité. Nous avons alors décidé d’optimiser les livraisons par un système flexible et automatisé avec l’installation des premiers robots mobiles autonomes du CHU, les robots Vecna. A l’époque, c’était très innovant pour nous et d’ailleurs même encore aujourd’hui car encore très peu d’hôpitaux en sont équipés. Quelques années après, nous avons été amenés à changer les robots Vecna par des robots Omron, mis en service par la société Assystem et depuis le 1er avril nous venons de passer sur notre 3ème génération de robots mobiles autonomes avec la société Meanwhile. »

Comment fonctionne votre application de dernière génération ?

T.P. : « Le CETRES, centre de traitement des endoscopes souples, prépare les endoscopes qui seront nécessaires aux interventions. Ces endoscopes sont placés dans des bacs de transport sous film vert, qui sont chargés dans les armoires sécurisées des deux robots mobiles. Une fois chargés, les robots sont envoyés pour livrer les endoscopes vers les unités de soins ayant fait la demande. Dès lors que le robot est arrivé sur son point de livraison, il appelle l’unité de soins concernée pour avertir de sa présence. Le personnel soignant alerté déverrouille l’armoire sécurisée avec le lecteur de badge et récupère sa commande. Une fois la livraison terminée, le robot part automatiquement effectuer une autre course en prenant l’ascenseur en toute autonomie pour accéder aux différentes unités de soins. »

Les robots sont-ils acceptés ?

T.P. : « Oui. Ce qui fait vraiment la réussite de ce projet, c’est l’investissement du personnel du CETRES dans l’utilisation des robots. A l’époque nous étions « laboratoire de test » et aujourd’hui le personnel du CETRES est récompensé par des robots plus fiables. Les agents du CETRES ont vu un intérêt rapide et l’équipe a tout de suite été séduite par l’application de ces robots.

Pour les unités de soins, la seule contrainte était de ne pas dégrader la qualité du service rendu par les coursiers. Les robots mobiles ont donc très vite été acceptés en raison de leur facilité d’utilisation. Une utilisation qui ne cesse d’être facilitée avec la mise en place des nouveaux robots de dernière génération.

Finalement, les personnes qui avaient le plus de réticence pour accepter cette technologie étaient certains agents qui pensaient que les robots allaient les gêner dans leur quotidien. Finalement cette inquiétude s’est dissipée assez vite, car nous avons mis en place un certain nombre de paramètres pour faciliter les interactions avec les robots (travail sur les trajectoires et la position des robots dans les couloirs, déclenchement de musique ou parole pour prévenir de leur présence dans les endroits exigus, spot qui diffuse une lumière au sol…). Ils ont pris l’habitude de les côtoyer et de les croiser dans les couloirs en toute simplicité. »

Quel conseil pourriez-vous donner afin de faciliter leur acceptation ?

T.P. : « Il est très important d’impliquer toutes les personnes qui vont côtoyer le robot et surtout bien communiquer afin de faciliter leur acceptation. »

Quels sont les avantages de cette application ?

Leur disponibilité : « les robots sont disponibles à tout moment et cela permet aux agents du CETRES de lisser leur activité. Grâce aux robots, les agents du CETRES sont passés de 4 livraisons par jour à 40. »

Leur fiabilité: « Nous savons que le temps moyen de livraison est de 10 min. »

Leur communication :

  • La communication facilitée entre les robots et les unités de soins : En effet, lorsque le robot est arrivé sur son point de livraison, le personnel ne le voit pas. Il émet donc un appel vers le service concerné via le DECT.
  • La communication facilitée entre les robots et les agents du CETRES : lorsque le robot est bloqué, il va envoyer un E-mail. Par ailleurs, grâce à sa caméra et sa carte, nous sommes en mesure de suivre le robot en temps réel.

L’autonomie :

  • La prise d’ascenseur
  • La faculté à éviter des obstacles (fixes ou mobiles)
  • A reprendre son chemin s’il a été arrêté et déplacé lors d’une de ses missions

Aucune modification de l’infrastructure existante. « Seule une couverture wifi est nécessaire » 

Avez-vous d’autres besoins d’applications ?

T.P. : « L’objectif était de tester ces nouveaux robots pour le nouvel hôpital île de Nantes, qui se conclut en un essai gagnant ; en effet 7 ans après les robots mobiles sont toujours là. Nous envisageons très sérieusement que ces robots soient transférés dans le nouvel hôpital et pour preuve, dans le futur CETRES, les points de rechargement des robots sont déjà prévus.

Nous avons également pour projet de déployer ces robots pour d’autres applications, comme le transport de tubes d’analyse au sein du laboratoire et pour le transport de chimiothérapies entre le centre de pharmacotechnie et les différentes unités de soins. »

Quel est, selon vous, l’avenir de la robotique mobile autonome dans les établissements de santé ?

T.P. : « Je suis persuadé que demain les AMR dans les hôpitaux vont se déployer. Les différents contacts que je peux avoir avec mes collègues de différents hôpitaux montre l’intérêt grandissant pour cette technologie. »

Quelques statistiques concernant l’utilisation des deux robots mobiles autonomes, XuP-Med, au CHU de Nantes :

100 km par mois

80 prises d’ascenseur quotidiennes

2200 endoscopes par mois

40 missions par jour

 1760 Aller-Retour par mois